parsifal-le-voyage.org

Marmaris (Turquie) – Neapolis (Grèce)

mercredi 20 août 2003

Récit de la traversée de Parsifal en Mer Egee, sur les traces d’Ulysse.

Dicton marin : « En Méditerranée, soit y’a pas de vent, soit y’en a trop. Et quand y’en a, c’est dans la gueule. »

Jeudi 7 août 2003, Marmaris, 36°49’N 28°17’E

Eh bien voila. C’est reparti. Il y a un mois, on aurait jamais ose croire qu’il était possible que l’on reparte cette saison. Et pourtant, tout c’est finalement déroule pour le mieux. Cette escale un peu forcée a Marmaris nous aura permis de découvrir un tout petit peu la Turquie – que l’on passait beaucoup trop vite – , et puis surtout d’apprendre plein de choses intéressantes sur les mats et les gréements, un point que l’on avait sans doute trop néglige jusqu’ici (!). Nous repartons heureux, sans regrets ni frustrations d’aucune sorte, cet accident était finalement une très bonne chose.

Nous avons aussi connu plein de gens ici, des gens très sympa. Cette chaîne de solidarité qui s’est créée autour de nous nous a fait vraiment chaud au cœur, et c’était une expérience inoubliable. Merci encore a toutes les personnes qui nous ont aide, elles se reconnaîtront sans doute si elles lisent ces quelques lignes.

Ce matin nous avons dit adieu à Claudia et Moche, des israéliens super, voiliers professionnels, qui nous ont répare toutes nos voiles gratuitement. Comme ça. Juste parce que ça leur faisait plaisir de nous aider. Hier, c’est à Gilles que nous avons fait nos adieux, Gilles sur son joli bateau de luxe, Choucas, un Swan de 65 pieds sur lequel nous avons travaille cette dernière semaine, histoire de reconstituer un peu la caisse de bord, mise a mal par cette aventure. Nous repartons avec un bateau charge de matériel de toute sorte, en particulier un fabuleux stock de bouts rescape d’un grand ménage sur Choucas. Nous contemplons encore nos superbes nouvelles écoutes de génois surdimensionnées. Un autre grand merci.

Cette fois-ci, il faut y aller. Pour être tout a fait francs, nous ne sommes pas très rassures. Malgré la paranoïa qui a présidé au remontage du gréement, nous avons encore du mal à retrouver la totale confiance que nous avions dans Parsifal avant l’accident. Nous comprenons maintenant l’importance d’une confiance absolue dans son bateau, lorsque au milieu des éléments déchaînes nous sommes seuls, le bateau et l’homme. Dans ces conditions, le doute n’a pas sa place et transforme l’aventure en cauchemar paranoïaque.

Petits soucis sur les terminaux Norsman (les pièces en Inox qui sertissent les câbles tenant le mat, et qui permettent de les « accrocher » au bateau) : après les premiers tests de navigations sous voile, les câbles sont sortis de 2 millimètres ! Normal ou pas ? Des gens nous promettent un autre démâtage dans 10 milles (les salauds qui veulent nous vendre leur propre matériel), d’autres voix s’élèvent pour nous dire que c’est absolument normal et que c’est juste un effet de la mise en tension des câbles. Qu’en penser ? Dans le doute, nous doublons les bas-haubans de gros bouts solidement souques sur le pont. Dérisoire ? Peut-être pas, on s’achète en quelque sorte une certaine quiétude, et les gens qui naviguent sur un voilier comprendront peut-être l’importance de cet aspect psychologique.

Assez tergiverse. Il faut partir maintenant. Même si ça parait tout proche, la Bretagne est a presque 3000 milles devant l’étrave, soit presque la même distance que pour la traversée de l’Océan Indien, la quasi-totalité de vents contraires. Il est 14 h, et le vent souffle en une petite brise sympa. Nous sortons de la baie de Marmaris et filons vers l’ouest. En fin d’après-midi, le vent se renforce pour avoisiner les 30 nœuds, et nous l’avons bien évidemment de face. Pas trop de confiance, de courage ? On ne sait pas trop, mais on décide de s’arrêter pour la nuit dans une petite baie, histoire de dormir un peu, une chose que depuis un mois on pratique trop peu souvent. C’est sans doute une erreur de partir dans cet état de fatigue généralise.

Vendredi 8 août 2003, Baie d’Arap Aden, 36°39’N 28°08’E

Le vent a souffle toute la nuit en rafales. Nous sommes heureux d’avoir décide de nous arrêter pour la nuit. Bonne intuition.

On a la chance en ce début de journée d’avoir le vent légèrement de travers, ce qui nous permet de pousser des pointes à 7 nœuds a la voile. Et puis la Mediterrannee nous offre un festival de ce qu’elle sait faire le long des cotes : 30 nœuds de face, 2 nœuds dans le dos 3 minutes plus tard, puis 15 nœuds de tribord les 10 minutes suivantes, avant de souffler cette fois-ci de bâbord, après un calme plat relatif de 2 bonnes minutes. Nous manœuvrons toute la journée, quasiment sans arrêt.

Nous repassons dans l’après-midi sur le théâtre de nos exploits, la ou Parsifal a perdu son mat il y a déjà un mois de ça et l’île de Rhodes dépassée, nous mettons le cap plein ouest (c’est une façon de parler, car on tire des bords nord-ouest et sud-ouest, le vent venant bien évidemment de l’ouest). Comme hier, il se renforce en fin d’après-midi, et nous commençons à réduire sérieusement la toile. Le génois (la voile d’avant) roule bat un peu et on décide de retendre le nerf de chute… qui nous reste dans les mains ! Pas possible de continuer comme ça : on risque a plus ou moins long terme de déchirer la voile. Il faut encore s’arrêter. Nous tirons des bords vers l’ouest pendant encore 3 bonnes heures avant que l’ancre ne croche le fond de la petite baie de Knidos, un site archéologique remarquable témoignant d’un passe riche.

Samedi 9 about 2003, Knidos, 36°41’N 27°22’E

Bien que le site soit intéressant à visiter, c’est surtout le génois qui nous occupe toute la journée. Il faut découdre toute la chute pour retrouver l’ancien nerf et repasser un nouveau bout sur les 15 m de la longueur de la voile. Puis ce sont les habituelles heures de bonheur passées à coudre les voiles, avec des aiguilles énormes qu’il faut enfoncer de force avec un gant en cuir.

Chouette. Le génois est répare, on le hisse a nouveau. Il est presque 18 h quand le guindeau décroche l’ancre du fond. Le vent souffle modérément (pour le coin), 15-20 nœuds, de face bien évidemment. Devant nous s’étend la mer Egee, bien connue pour être difficile les mois d’été quand souffle le Meltem et que l’on veut s’aventurer vers le nord-ouest. Une jolie marmite où il n’est pas rare que ça souffle a 7-8 voir 9, et où le relief des îles réserve de jolies surprises.

Qu’importe. C’est un endroit super, et la navigation entre toutes ces îles mythiques, porteuses de légendes « odysséennes », est inoubliable.

La nuit commence relativement paisiblement, alors que le vent faiblit puis tombe tout a fait. Le temps de dire ouf et de songer peut-être a démarrer le moteur, il se remet à souffler. Puis plus fort. Un, deux, et finalement trois ris (réduction de la toile) en fin de nuit, cette traversée nocturne n’a pas été de tout repos.

Dimanche 10 août 2003, large de l’île d’Astipalia, 36°37’N 26°43’E

La nuit dernière, a la prise du 3 ris, une petite hésitation dans la manœuvre fait dangereusement faseiller la grand-voile pendant de trop longue minutes…. Et la grand-voile s’est déchirée le long de la chute.

Rebelote 24 heures plus tard. Il s’agit de s’arrêter a nouveau pour réparer la voile. Notre choix se porte cette fois-ci sur l’île d’Astipalia, ou nous mouillons vers 10 heures du matin, dans la petite baie de Malthezana.

Le paysage que nous réserve cette île est fabuleux, mais le programme de la journée comporte principalement des travaux de couture sur la grand-voile. Nous y passons la journée, en travaillant a deux d’arrache-pied. En début de soirée, nous pouvons enfin mettre un pied a terre, et après une courte ballade dans l’île nous cherchons un endroit pour manger. Pas de chance, nous n’avons pas d’euros, rien que des dollars US (la honte !) dont personne ne veut. Nous sommes quittes pour manger des pâtes à la tomate sur le bateau ce soir.

Lundi 11 août 2003, Ile d’Astipalia, 36°34’N 26°24’E

Assez rigole. On va réussir à la traverser, cette p*@&$ de Mer Egee ? C’est parti, cette fois on ne s’arrête plus jusqu’au Peloponese. Ce qui est chouette tout de même, c’est que malgré tout le vent que l’on a eu jusqu’ici, le gréement s’est toujours bien comporte (disons que le mat est toujours en position verticale sur le pont). Alors on reprend confiance dans le bateau.

On arrive à partir vers 10h. Pour une fois, le vent n’est pas trop fort, et pas tout a fait de face. Du près serre, on passe doucement au travers, et Parsifal file a 7 nœuds vers l’ouest. Yahoo ! Que du bonheur.

Le vent tombe doucement en fin de journée, et on avance au moteur pour la nuit, qui se révélera plutôt tranquille.

Mardi 12 août 2003, large de l’île de Milos, 36°24’N 24°18’E

Le vent revient, mais gentiment. Toute la journée, on file vers l’ouest, toute la toile dehors mais sans forcer. La confiance revient au galop, et le plaisir aussi.

En fin de journée, on commence à distinguer l’île de Cythère, au sud du Peloponese. Vers minuit, le mythique Cap Maleas est double (mythique parce que le théâtre de nombreux naufrages, vents et courants violents, endroit craint des marins méditerranéens), et pour nous ça s’est fait gentiment. Vers 3 heures, le vent tombe tout a fait, et c’est au moteur que l’on termine la nuit, pour mouiller aux premières lueurs du jour dans la baie de Neapolis, sur le Peloponese.

Mercredi 13 aout 2003, Neapolis, 36°29’N 23°04’E

Cette journée sera consacrée à refaire les provisions de bords, ainsi que le plein de gasoil, bien moins cher qu’en Turquie, mais aussi et surtout à refaire le plein de pinard et de cochon ! Depuis tous ces mois que l’on est en pays musulman, toutes ces denrées commençaient à nous manquer. En bons français franchouillards de base, nous avons passe une bonne partie de la journée a boire un merveilleux vin blanc frais en terrasse, et avons trouve des cotes de porcs a griller pour le soir. Un soupçon de tourisme et une petite plongée en fin de journée (y’a vraiment rien a voir sous l’eau en Méditerranée dans ce coin), et c’est reparti le lendemain, pour la traversée de la Mer Ionienne cette fois-ci.


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