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Al Guna - Suez

mardi 24 juin 2003

Une toute petite étape en termes de distance, mais une étape bien pénible, redoutée de beaucoup de marins : vents violents quasiment toute l’année et absolument tout le temps de face, mer hachée,courte et souvent formée, nombreuses exploitations pétrolières un peu partout, et passages étroits ou il faut slalommer entre les nombreux cargos qui empruntent le canal de Suez.

Mercredi 11 juin 2003, Al Guna, 27°22’N 33°40’E

Comme introduction, ca pose un peu les choses. Apres nos trois semaines de vacances-tourisme en Egypte, la perspective de cette etape est peu enthousiasmante : au mieux, on peut s’ennuyer si on a la chance de tomber sur les 10 jours de l’annee ou le vent de nord ne souffle pas en rafales. Niveau voile, ce sera de toutes facons nul, vu que le vent de face oblige quasiment a avancer au moteur, ou a tirer d’interminables bords dans une mer formee (donc peu efficaces).

Chouette. On attend tout de meme quelques jours, histoire de regler quelques petits problemes sur le bateau, de faire tous les pleins habituels (eau, eau potable, gasoil, fruits et legumes etc…), mais surtout d’attendre une fenetre meteo qui n’a pas vraiment l’air d’etre pour demain. Les occasions favorables sont suffisamment rares ici pour qu’on puisse les attendre des semaines. Alors tant pis, meme si le vent de nord souffle toujours fort, on decide de partir, ca nous donnera l’occasion de nous arreter souvent, pas tres loin, dans le detroit de Gubal qui regorge de chouettes iles et recifs propices a de belles plongee.

Depart d’Al Guna vers 10 heures du matin donc, avec en ligne de mire le mouillage d’ « Endeavour harbour », au sud de l’ile Tawila, a quelques 15 milles d’ici. Pas tres loin, mais la navigation entre les recifs et les bords que l’on decide de tirer (on n’a que quelques milles a faire, on ne va quand meme pas les faire au moteur) nous font faire une trentaine de milles. Superbe navigation, dans un vent de nord-ouest de 30/35 nœuds (force 6-7). Un seul petit souci, c’est que lorsque l’on a voulu redemarrer le moteur, en vue du mouillage, ce dernier a completement refuse de cracher de l’eau. Cette eau sert au refroidissement du moteur, et a moins d’une urgence absolue, il vaut mieux l’arreter. Ca nous a entraine pour les manœuvres de mouillage a la voile.

Fin d’apres-midi bricolage/mecanique, comme on l’imagine. Verification de la crepine d’aspiration, demontage de la pompe a eau de mer, du collecteur de refroidissement, du thermostat, de toutes les durites du circuit eau-de-mer. Panne pas tres bien localisee, on demonte plein de choses, on les nettoie, on change le thermostat, on remonte tout et ca marche : cool, mais sans qu’on ait bien compris.

Trop tard maintenant pour aller plonger. Mais la journee de demain s’annonce aussi ventee qu’aujourd’hui, alors on restera surement au mouillage.

Jeudi 12 avril 2003, « Endeavour harbour », Ile Tawila, 27°34’N 33°47’E

Comme prevu, il vente encore pas mal (30/40 nœuds, NW). On decide de rester au mouillage et de profiter une derniere fois de la plongee dans les coraux : en Mediterrannee, ce sera termine.

Chouette plongee. c’est etrange comme la faune evolue au fur et a mesure que l’on remonte vers le nord : pas du tout les memes choses que celles que l’on voyait dans le sud de la Mer Rouge. Et puis l’eau commence a devenir carrement froide : 24 degres tout au plus. Pas de poissons a la plongee du matin, mais un gros poisson-perroquet a la plongee de l’apres-midi : on le cuisinera au curry celui-la

La journee est paisible, a part plonger, on bricole, on recoud un peu les voiles, on cuisine et on dort.

Vendredi 13 avril 2003, « Endeavour harbour », Ile Tawila, 27°34’N 33°47’E

Toujours pareil, le vent souffle encore. On decide tout de meme de rejoindre un autre mouillage, histoire de changer de coin pour attendre. Notre choix se porte sur un recif qui s’appelle « Shab’ Ali », il se trouve en face du detroit de Gubal, sur la cote est a quelque 15/20 milles d’ici.

Navigation vite avalee, dans une mer bien formee qui nous chahute beaucoup. Pour la premiere fois depuis notre depart de Thailande, nous avons un leger mal de mer qui monte, pas trop agreable.

Nous atteignons le recif en debut d’apres-midi et mouillons une nouvelle fois a la voile, alors que le circuit de refroidissement du moteur semble s’etre encore detraque quelque part. Au contraire de ce que nous imaginions, le coin n’est pas trop sympa mais plutot sinistre, avec des installations petrolieres tout proche, une lumiere grise etrange. Sous l’eau, c’est la desolation : tout le corail est arrache et mort, l’eau est verdatre : pas de poissons.

Apres quelques bricolages, le moteur remarche a nouveau. Les ombres s’etirent, et le vent semble donner des signes de fatigue. Il tourne legerement ouest, puis commence a mollir. Armelle et moi, tous malins que nous sommes, ne faisons ni une ni deux, et decidons de lever l’ancre precipitamment. Fatigues tous les deux, Armelle est en plus malade, mais nous sommes bien decides a ne pas laisser passer notre chance.

Bien malins que nous sommes en effet. Plutot que d’attendre voir si l’accalmie se precisait, nous sommes partis trop vite (il est vrai que nous devions aussi lever l’ancre avant le coucher du soleil, pour pouvoir sortir du recif). Bien sur, l’accalmie en question a dure environ une demi-heure, et nous nous retrouvons a la nuit, au milieu du golfe de Gubal avec un fort vent de face et une mer toute demontee, sans possibilite de pouvoir mouiller a nouveau, puisque la nuit est tombee.

Pas le choix, on y va. Armelle est de plus en plus mal, et s’avere incapable de faire autre chose que s’allonger, elle ne pourra pas assurer ses quarts cette nuit. La mer devient tres tres dure. Il n’est plus possible d’avancer au moteur, Parsifal enfonce lourdement son etrave dans chaque lame, tant la mer est forte et courte. Nous enfournons a chaque vague et nous sommes coinces a 0,5 nœuds. Il faut partir a la voile et tirer des bords. S’ennuie une nuit particulierement penible, longue et agitee. Le bateau frappe et rebondit lourdement sur les vagues, le grondement sonore de l’eau frappant violemment l’acier est assourdissant. Vers 2 heures du matin, la mer devient enfin plus maniable, alors que le petit port de Tor s’annonce a quelques milles dans le nord. Alors que c’est un arret en general a eviter, Tor, ville-garnison militaire ou il n’est pas autorise de mettre le pied a terre, nous apparaît comme un havre de paix acceuillant. Nous mouillons vers 5 heures du matin, ivres de fatigue.

Samedi 14 avril 2003, « Al Tor », 28°14’N 33°37’E

Evidemment, la matinee est principalement consacree au rattrapage des heures de sommeil, puis les heures s’ecoulent tranquillement au rythme du train-train habituel des occupations de la vie a bord. On bricole et on essaie a nouveau de trouver pourquoi le circuit de refroidissement continue de faire son malin (nouvelle arrivee a la voile cette nuit).

Le petit port d’Al Tor

Dimanche 15 avril 2003, « Al Tor », 28°14’N 33°37’E

Ce coup-ci c’est parti. Plein de courage, nous nous reveillons bien avant l’aube, decides a profiter de la coutumiere « legere » accalmie de la nuit. Bon, pas de trop de chance, ca souffle toujours (25, 30 nœuds). Mais on ne s’est pas leves pour rien, on y va quand meme.

Des montagnes...

Niveau voile, c’est tout pourri comme coin, mais niveau paysage, c’est du 5 etoiles classe. .« Dramatically beautiful ! », comme le disent tous nos amis de langue anglaise. La cote defile, tout pres, la ou les montagnes et le desert surgissent de la mer. Un de ces sommets est le mont « Sinai » (celui ou Moise aurait recu les fameux 10 commandements), et Tor semble justement etre une des villes de depart pour le mont Sinai, puisqu’elle habite selon la carte des barraquements de pelerins.

Il faut dire qu’on ne la longe pas a tres loin, la cote, puisqu’on essaie aujourd’hui differentes strategies, et notamment celle dite de la « je-passe-au-raz-des-cailloux-y’aura-moins-de-vagues ». Bon, d’un cote c’est payant : au moteur le vent de face dans une mer bien formee, courte et mechante comme un egyptien qu’on viendrait d’arnaquer, on ne fait pas plus de 1/1,5 nœuds. Tout au bord de la cote (a 50 metres des premiers recifs), la mer est deja plus plate, et on atteint parfois 3,5 nœuds dans des accelerations folles. D’un autre cote, c’est un peu flippant, et pas tres reposant pour les nerfs de l’equipage. Des petits passage avec des fonds de moins de 4 metres, et des bouts de corail a moins d’un metre sous la quille ! La television aujourd’hui, c’est le petit ecran LCD du sondeur. Captivant au possible.

Dans la serie « toutes les strategies de la journee », on essaie de voir les performances a la voile pure, en tirant des bords. Bien plus rapide, mais Parsifal est loin de remonter a 30 degres du vent, et les bords sont peu payants avec ce vent et cette mer formee. On essaie aussi voile et moteur, en greant le tourmentin en guise de trinquette bordee tout plat, pour essayer de la border en restant tout pres du vent. Ca marche aussi un peu, mais il faut tout de meme tirer des bords.

Encore des montagnes...

Finalement, nous avancons surtout au moteur, profitant du profil de la cote pour nous abriter du vent et des vagues. A la tombee de la nuit, le vent est molissant et un bateau contacte par radio nous annonce une meilleure meteo pour le lendemain. Nous decidons donc de ne pas nous arreter et de continuer vers Suez.

Finalement, l’accalmie etait encore une fausse alerte, et nous tirerons encore des bords toute la nuit dans une mer hachee et desagreable a souhait, remontant peniblement et tres lentement contre le vent. Armelle est encore malade et ne peut assurer ses quarts. Nuit encore fatiguante.

Et toujours des montagnes...

Lundi 16 juin 2003, « Ras Abu Zenima », 29°10’N 32°58’E

Finalement, le jour se leve, somptueux derriere les hautes montagnes longeant le golfe de Suez, au dessus de « Ras Abu Zenima ». Cette fois-ci, il semble que le vent baisse reellement, la mer s’aplatit. On n’y croyait plus. On saute sur le moteur, et on fait route directe, au moteur, vers Suez, sur un lac.

Vers 17h, de nombreux cargos se dessinent au loin. Ils sont au mouillage dans l’attente des formalites necessaires au passage du canal. Cette fois-ci, on sent bien que c’est la fin de la Mer Rouge. Bizarrement, nous sommes heureux d’y etre enfin, et de se dire que l’on pourra contempler la Mediterranee dans deux ou trois jours. Nous commencons a rever de longues navigations, a la voile et sans moteur…

Nous mouillons devant le Yacht Club de Suez vers 18h.

Et miracle Suez jaillit de l’horizon !

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